« La vie est trop courte pour se contenter du tiède et du fade« : c’est sans doute la plus jolie phrase à cueillir dans ce livre manifeste où Alain Ducasse, relayé par Christian Regouby, revendique, avec une constante dynamique, une cuisine humaniste. Manger c’est choisir, c’est prévoir, c’est décider de l’avenir de la planète: voilà qui se lit ici au fil de chapitres stimulants. Le récit autobiographique (depuis l’accident d’avion d’août 1984, dont il fut le seul survivant, et qui devient le pic de son mythe fondateur) laisse peu à peu la place à un essai sur le devenir de la planète, plus humaine, moins vorace. « Le monde est une vaste auberge sous les étoiles où chacun nourrit autrui et se nourrit des paroles et des actes des autres« . Chemin faisant, Alain Ducasse répond à ceux qui font de lui « un mégalomane dévoré d’ambition« , avouant qu’il est surtout « intransigeant ». Il plaide avec lucidité pour « la démocratisation de la bonne cuisine« , revendique le droit de manger moins et mieux (« le désir se nourrit du manque« ), de songer à l’égalisation des chances devant l’assiette, de lutter contre la standardisation des goûts, et achève son témoignage par un manifeste pour une gastronomie citoyenne. Un livre sincère et une bonne oeuvre.

Manger est un acte citoyen, d’Alain Ducasse et Christian Regouby (Les Liens qui Libèrent, 218 pages, 17,50 €).