Le chef Alain Ducasse nous exhorte à chasser la malbouffe pour nous... et la planète.

On aurait pu choisir de ne rien faire.» C'est ce que répond le grand chef Alain Ducasse à ceux qui lui demandent s'il n'est pas utopique, dans un monde conquis par la malbouffe, de tenter d'inverser la tendance. Non, il y croit. C'est l'objet de «Manger est un acte citoyen», le livre* coécrit avec son ami Christian Regouby, amoureux du bien-manger lui aussi.

«On veut orienter la façon de se nourrir pour être en meilleure santé», prétend le Trois-Etoiles Michelin, en nous recevant dans les cuisines rutilantes du palace parisien le Plaza Athénée, où il officie encore régulièrement. La conviction de ce businessman de 60 ans originaire du Sud-Ouest est simple : «On peut facilement manger mieux et moins. C'est une affaire d'éducation.» «Mieux vaut manger un bon poulet une fois par mois qu'un mauvais poulet venu du Brésil une fois par semaine», répète-t-il à longueur de conférences autour de la planète.

Apologie des légumes et des céréales

Un combat de riches ? «Pas du tout ! Un kilo de poireaux et deux cuillerées de pois chiches, cela apporte les nutriments nécessaires, tout en coûtant moins cher qu'un McDo», s'enflamme-t-il. Depuis ses débuts à Monaco il y a trente ans, Ducasse fait l'apologie des légumes et des céréales. «Ce type d'aliment suffit pour se nourrir. Si on veut ajouter des protéines, on ne dépasse pas la proportion de 20 % et on privilégie le poisson sauvage. Actuellement, dans nos assiettes, c'est plutôt l'inverse.»

Pour instiller dans les esprits de nouveaux comportements, le multi-étoilé a créé en 2010, avec une quinzaine d'autres grands chefs, le Collège culinaire de France. Un mouvement militant qui rassemble 2 000 restaurateurs, agriculteurs, viticulteurs, unis dans cette marche vers une alimentation qui élimine les déchets, privilégie la proximité et les produits naturels.

«Ce comportement militant va aussi dans le sens de la préservation de la planète», ajoute cet infatigable ambassadeur de la cuisine française qui s'enorgueillit de n'avoir aucun industriel de l'agroalimentaire parmi ses sponsors. Pour autant, l'artisan n'oublie pas ses bases : «La gastronomie citoyenne, c'est aussi l'échange et le partage — à table, au marché, dans la cuisine. Tout ce qu'on a perdu dans un monde googelisé et globalisé», rappelle-t-il.